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IA / MUSIQUE
La révolution de l'intelligence artificielle dans l'industrie musicale : Benoît Carré, le collaborateur de Stromae, met en avant les avantages malgré les appréhensions.
Par Sahby Mehalla

L'IA dans la musique : Une Révolution Créative et un Nouveau Challenge pour les Artistes
L'intelligence artificielle (IA) fait irruption dans l'industrie musicale, suscitant à la fois fascination et appréhension. Pour Benoît Carré, compositeur et musicien passionné, cette nouvelle technologie doit être perçue comme un outil novateur, un vivier inépuisable d'enrichissement pour la création artistique.
Compositeur de talent depuis son enfance, Benoît Carré a toujours été à l'affût des avancées technologiques, intégrant avec enthousiasme l'intelligence artificielle dans ses projets musicaux.
Son approche semble aller à l'encontre des problématiques soulevées par cette nouvelle technologie au sein de l'industrie musicale. Le flou juridique persistant quant à la propriété intellectuelle des créations générées par l'IA et les réticences de nombreux artistes alimentent les débats. Sting lui-même a déclaré récemment : « On ne doit pas laisser les machines prendre le dessus. Il faut rester méfiant. »
Dans une interview au huffpost, Benoît Carré explique les raisons de son engouement pour l'utilisation de cette révolution numérique, souvent jugée effrayante.
Un moyen de sortir de sa zone de confort
Benoît Carré a entamé son parcours musical de manière assez traditionnelle, en apprenant le piano classique et jazz. En 1993, il forme le groupe de variété française "Lilicube" avec la chanteuse Catherine Diran et le bassiste Philippe Zavriew, qui se verra nommé aux Victoires de la Musique en 1997.
C'est surtout à partir de 2015 que le musicien commence à fusionner musique et numérique. En collaboration avec François Pachet, compositeur et directeur du Spotify Creator Technology Research Lab, il participe au projet "Flow Machine", découvrant ainsi les nouveaux logiciels numériques utilisés en musique.
« À ce moment-là, il développait un outil qui s'appelait "The Continuator". Nous pouvions jouer sur un clavier et l'outil poursuivait ce que l'on avait commencé », explique Benoît Carré. De leur côté, les chercheurs étaient ravis d'avoir le point de vue d'un musicien.
Le compositeur voit dans cette avancée technique un moyen de sortir de sa zone de confort et de puiser l'inspiration d'une entité qui transforme son travail. Le projet est si stimulant pour lui qu'il passe d'une journée par semaine au laboratoire à 7 jours sur 7, invitant même d'autres artistes à le rejoindre.
Premier album 100 % IA
Convaincu, Benoît Carré a également réussi à enthousiasmer de nombreux autres artistes. « Beaucoup ont répondu présents pour composer un album exclusivement grâce à l'intelligence artificielle : des artistes très différents comme un trompettiste de jazz, Médéric Collignon, une chanteuse de folk canadienne, Kyrie Kristmanson, mais aussi Stromae. »
De ces collaborations entre imaginations et IA est né l'album "Hello World" en 2018. « C'est le premier projet du genre dans le monde, utilisant exclusivement cet outil, il me semble. Et nous avons eu de très bons retours », notamment de la prestigieuse BBC Music.
Au-delà du côté grisant de cette utilisation novatrice, l'IA offre également une opportunité unique pour « hybrider les styles musicaux », selon Benoît Carré.
Stromae lui-même était à la recherche de cette hybridation lors de leur collaboration. Passionné à la fois de musique cap-verdienne et de chant grégorien, il semblait évident que ces deux univers ne pouvaient se rencontrer. Grâce à l'IA, « nous avons pu les mélanger, ce qui a donné un morceau sur l'album "Hello World". »
« J'ai adoré travailler avec lui car il n'a pas d'a priori. Il se laisse uniquement guider par la musique, par les émotions qu'elle provoque en lui et chez les autres. L'IA était un excellent outil pour l'amener vers ce qu'il désirait réaliser. »
Un futur challenge pour les artistes
Enthousiaste, Benoît Carré reconnaît toutefois les possibilités vertigineuses que l'IA peut susciter des inquiétudes. « Les capacités de calcul
dans ces nouvelles technologies sont exponentielles, tout va très vite et aujourd'hui, quand on voit ce qu'il se passe avec la musique, cela peut en effet devenir effrayant. »
Des questions éthiques ont également été soulevées, notamment suite à des faux duos créés par l'IA, mettant en péril le droit des artistes.
Pour le moment, ces créations ne sont pas réglementées, et selon Benoît Carré, la paternité des morceaux créés par l'IA revient aux artistes qui en sont à l'origine.
Toutefois, il ne faut pas rejeter en bloc cette avancée technologique selon lui : « C'est aussi très challengeant, cela oblige les musiciens à être plus inventifs ». L'IA offre des possibilités infinies et pousse les limites de la créativité. Néanmoins, l'angoisse de voir certains artistes remplacés par l'IA ne lui semble pas réaliste : « La pâte humaine sera toujours recherchée dans le futur. Avec l'IA, l'artiste est comme un chercheur d'or : celui qui le porte est celui qui le trouve, et il doit réussir à partir de cet outil à créer une œuvre. »
« Pour moi, c'est comme un instrument, aussi sophistiqué soit-il », ajoute-t-il. Selon lui, la valeur musicale se focalisera davantage sur l'imaginaire que sur la puissance vocale ou la capacité technique. Ainsi, le nouveau défi pour les artistes de demain serait peut-être de se démarquer en étant le plus original possible avec l'IA.
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